LE PAON
Le paon s’apprêtait à faire le beau
convaincu que chacun n’attendait que sa roue,
persuadé qu’il était, d’être seul et unique,
que sa représentation n’avait d’égal
pour qui avait un tant soit peu de gout …
Mais le monde autour en avait décidé autrement,
on voulait lui faire savoir enfin
que pour d’autres aussi le ciel était bleu,
que pour d’autres aussi le printemps s’allumait,
que pour d’autres aussi les étoiles scintillaient,
qu’un jour ou l’autre un arc de couleurs s’affichait ...
Que ces bonheurs surtout,
étaient bien meilleurs
si on les partageait.
Le paon ce jour-là se retint d’étaler son plumage,
Il se mit à voir mieux, peut-être à apprécier
ce qui jusque-là n’avait jamais accroché son regard ...
Et il se prit à admirer le noir brillant de reflets de la pie,
le bleu électrique des tempes du geai couleur café au lait,
le vert chartreuse allumé d’un rouge brûlant porté par le pic,
les bruns roux plus discrets mais si doux des grives,
les gris noir et blanc sautillants de la bergeronnette ...
Que le monde devenait attrayant tout d’un coup
quand l’intérêt se portait enfin vers d’autres ramages,
quand le miroir répétant indéfiniment son image
cessait d'agir comme un aimant construisant sa cage.
Photos: by Madèle